Il nous faut trouver des instants pour demeurer face à nous-même… un moment de liberté, laisser chômer les outils, se détourner de ce qui est vulgaire, le culte idolâtre des produits de consommation, l’argent, la domination… Trouver des moments de calme où l’on étreint la présence d’un instant d’éternité.

La solitude ce n’est pas être seul. Cet autre soi, ἄλλος αὐτός, Aristote le définissait à juste titre comme l’ami.
Vivre avec notre ami, témoin dans le débat intérieur, c’est précisément la définition qu’on peut donner avec Platon de la Pensée. Elle est, disait-il, le dialogue silencieux de l’âme avec elle-même. De fait, la pensée consiste à faire retour sur soi, à examiner ses opinions, à douter, à interroger en se faisant à soi-même les questions et les réponses.
Le “penser” par soi-même est inséparable du “penser” en se mettant à la place de tout autre.
La solitude ce n’est pas renoncer à la civilisation technique mais atteindre une indépendance à son égard. Suspendre la conquête de la nature, cette guerre contre l’homme et les forces de la nature. Freiner la course qui nous entraîne vers les vicissitudes de la vie.
L’activité de penser, l’habitude d’examiner et de réfléchir à tout ce qui arrive, amène à « conditionner » les hommes à ne pas commettre le mal ; c’est la capacité de juger. Comme ce sont les jugements de Socrate qui font apparaître le citoyen-penseur Socrate, ce sont ceux d’Eichmann qui révèlent son désert intérieur. D’où les implications politiques de l’exercice réflexif.

L’idée de la dualité intérieure, est une préfiguration de la communauté ou de la pluralité humaine. Le sujet pensant n’est pas coupé du monde commun. Il est ouvert à la pluralité humaine de telle sorte que le dialogue de l’âme avec elle-même est une intériorisation et une anticipation du dialogue avec les autres. Sans altérité vécue, la vie de l’esprit est aussi impossible que la vie politique. Hannah Arendt l’exprime clairement : « Toute pensée, à proprement parler s’élabore dans la solitude, est un dialogue entre moi et moi-même, mais ce dialogue de deux-en-un ne perd pas le contact avec le monde de mes semblables : ceux-ci sont en effet représentés dans le moi avec lequel je mène le dialogue de la pensée »
Il s’ensuit que lorsque nous pensons, nous ne savons jamais qui nous sommes vraiment. J’ai besoin que quelqu’un rompe ma solitude et mon dialogue intérieur pour cela. Autrement dit je ne redeviens moi-même que par la médiation des autres auxquels j’apparais ou qui m’adressent la parole. L’identité personnelle est tributaire de la présence d’une altérité.

Nous devons considérer que les deux grandes vertus structurant les rapports sociaux sont le respect et la fraternité.
Le penseur éprouve au plus intime de lui-même que la pluralité est le fait ontologique fondamental et que le vrai cogito n’est pas : je pense donc je suis, mais je pense donc nous sommes. C’est pourquoi le dialogue intérieur est la condition de possibilité du dialogue avec les autres. Lorsque quelqu’un m’adresse la parole, l’autre en compagnie duquel je vis change seulement de place.
Il s’ensuit que, bien qu’elle soit une manière d’être séparé de la communauté, l’expérience individuelle de la solitude est une expérience positive. Le penseur n’est séparé des autres que pour mieux les retrouver. Sa solitude ne signifie ni repli sur soi, ni solipsisme mais prolongement sur la scène intérieure de l’être-avec-les-autres, prolongement sans lequel, l’être-en-commun s’appauvrit voire est rendu impossible.

Solitude
« La solitude est le nid des pensées »

J’ai choisi la photographie, l’image et son symbolisme, pour casser la coupure entre la société et moi. L’art amène à la connaissance de soi, des autres, des peuples, des inspirations, des cultures, des différences.
Les images et les mots permettent de se relier à la collectivité, tisser des liens entre soi et les autres, ces liens qui se sont défaits suite à l’érosion des institutions « Éducation et Culture ».
Écoutez plus les artistes que les politiciens, il y a des émotions dans leurs réflexions.

Il faut vivre avec les Hommes et rester libre de s’isoler à notre guise, vivre avec les choses et rester indépendant.
“ La vie d’un homme libre requiert la présence d’autrui” nous a dit Hannah Arendt
Si la solitude de l’activité pensante est une expérience positive de séparation d’avec les autres, l’isolement politique, l’individualisme sont des expériences négatives. Elles sont toutes menacées par la désolation, expérience limite de la communauté humaine, signe d’un déracinement de l’individu devenu étranger aux autres et à lui-même.
Ressentir de l’intérêt pour l’autre n’est possible que s’il y a de l’intérêt pour soi-même. Le vice absolu de ce vécu est de rendre impossible le temps pour le souci de soi. Or dès qu’un homme exclu le souci de soi, il n’y a plus de rempart contre le pire.

P. R. Le 30/06/2022

 

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